Les maths comme je les aime
... et comme je les raconte ! đ
Philippe Colliard
Qui je suis
(Re)construire les maths en partant dâaussi bas que possible, progresser aussi loin que jâen serais capableâŠ
aprĂšs « donc dâaprĂšs » je croyais ĂȘtre vaccinĂ© â il faut dire que lĂ , jâavais creusĂ© vraiment trĂšs profond !
Eh bien non, la fiĂšvre mâa repris. Mais une fiĂšvre plus raisonnable : ici je ne "fais" pas des maths, je les raconteâŠ
ou plus modestement je raconte les maths telles que je les ressens, des maths Ă juste lire, Ă ... savourer ?
Actuellement une quinzaine dâĂ©pisodes progresse tranquillement sur le chemin de ces maths, illustrĂ©s de quelques histoires farfelues et accompagnĂ©s des commentaires de tout un petit monde de lectrices et lecteurs virtuels.
Dâautres lectrices et lecteurs (rĂ©els, ceux-lĂ ) suivent ce site, en France... et ailleurs. Certain(e)s en souhaitaient une version livre et câest fait : un premier recueil (juste Ă gauche) regroupe les textes publiĂ©s avant novembre 2024.
Il y aura â je lâespĂšre â dâautres Ă©pisodes, dâautres histoires farfelues⊠dâautres recueils.
Ce n’Ă©tait qu’une introduction Ă la gĂ©omĂ©trie mais 10 ans plus tard, j’en garde toujours un merveilleux souvenir.
Des « quatriÚmes » que je ne connaissais que depuis un mois, durant lequel nous avions travaillé sur les nombres.
Un mois, ce n’est pas beaucoup mais ça suffit pour commencer Ă savoir travailler ensemble,
Ă trouver naturel pour ces Ă©lĂšves de n’avoir devant eux,
durant la trentaine de minutes rĂ©servĂ©e au cours stricto sensu, qu’un bloc et un stylo sur leur table.
Ă trouver Ă©galement naturel de dialoguer entre eux et avec moi, avec toutefois une rĂšgle absolue :
ne jamais couper la parole Ă qui que ce soit (et tout de mĂȘme, je ne vais pas mentir, m’accorder une certaine prioritĂ©).
Une classe de 30 élÚves, tous actifs, mais pour éviter un foisonnement de prénoms à la Tolstoï
je vais trĂšs arbitrairement attribuer les dialogues de cette reconstitution Ă cinq d’entre euxâŠ
et ne garder parmi les trĂšs nombreuses interventions que les plus significatives,
que ce soit pour la progression ou pour l’ambiance.
. . .
Sans points pas de géométrie⊠Mais un point, qu’est-ce que c’est ?
Vous avez déjà regardé les étoiles bien sûr. Vous savez, ces points brillants dans un vide tout noir.
Sauf que justement, ce ne sont pas des points
(et le vide tout noir n’est ni vraiment vide ni vraiment noir… mais ça, c’est une autre histoire) :
d’abord parce qu’il vous suffit d’embarquer dans n’importe quel vaisseau spatial et d’aller voir une étoile d’un peu plus près
pour vous rendre compte que c’est bien trop gros pour être un point.
Et puis aussi parce qu’un point, c’est un endroit et un endroit, ça ne brille pas.
Mais c’est vrai que les étoiles, vues de loin – de très loin, de plus loin que loin – on dirait des points…
enfin, si les points brillaient !
. . .
Le point, toujours le point. Oui, j'ai un cÎté monomaniaque !
Mais cette fois-ci, il est au cĆur du premier chapitre d'une histoire Ă©crite pour ma fille
lorsqu'elle était en cinquiÚme, il y a une vingtaine d'années.
Soyez indulgent(e)s !
. . .
Ma toute premiĂšre histoire sur le point,en 1993 ! Elle est idiote mais je l’adore.
(Ensuite promis, je passe à autre chose ! Mais le point méritait bien trois articles, non ?)
. . .
Bon, clairement, écrire sur la ligne... ça en prend plus d'une !
Maintenant que nous savons ce qu’est un objet ponctuel – et ce qu’est un point – nous allons pouvoir passer
à la question suivante :
qu’est-ce qu’une ligne ?
(Nooooon, ce n’est pas un trait, pas plus qu’un point n’est une tache !)
. . .
Pourquoi me suis-je tellement attardé sur l’objet ponctuel, le point, la ligne ?
Parce que ce sont les éléments de base de la géométrie, bien sûr…
mais tout particulièrement parce que ce sont les « parents » de la droite.
Et sans droite, la géométrie euclidienne n’irait pas bien loin !
Comment dites-vous ? La droite, c’est facile, c’est une ligne qui va tout droit ?
Soupir : d’abord une ligne c’est un endroit, ça ne va nulle partâŠ
et ensuite un objet qui « va tout droit », qu’est-ce que ça veut dire ?
Dans notre univers physique, Ă part les photons,
il n’y a pas beaucoup d’objets qui vont toujours tout droit
(et mĂȘme les photons peuvent dĂ©vier) !
. . .
Incontournable, le plan ?
Oui, parce qu’il est l’un des trois Ă©lĂ©ments de base de la gĂ©omĂ©trie d’Euclide
(et 22 siĂšcles plus tard de Hilbert) : le point, la droite, le plan !
Ce que j’ai Ă©crit pour la droite, c’est tout aussi vrai pour lui : sans lui, la gĂ©omĂ©trie euclidienne n’irait pas bien loin !
(Sans le point non plus, bien sĂ»r mais ça, si aprĂšs tous les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents vous n’en ĂȘtes pas persuadĂ©(e)s, j’abandonne !)
Mais le plan est incontournable pour une autre raison Ă©galement⊠j’y reviendrai bientĂŽt.
Bon, si nous commencions par le commencement ?
Pour inventer le plan, nous allons avoir besoin des droites (ça, c’Ă©tait l’Ă©pisode /3)⊠et des surfaces.
Je ne vous ai encore rien racontĂ© sur les surfaces et je n’ai pas trop envie d’y consacrer tout un Ă©pisode
alors vous voulez bien qu’on se contente d’un paragraphe 0 dans cet Ă©pisode-ci ? C’est parti !
â Eh, pourquoi vous nous demandez notre avis si vous n’attendez mĂȘme pas notre rĂ©ponse ?
Mais oui d’accord, nous voulons bien !
â Merci⊠et vous avez raison, j’aurais dĂ» l’attendre ! Je veux toujours aller trop vite !
. . .
Jâai entendu vos soupirs et vos murmures :
â vous nous⊠euh, fatiguez avec votre gĂ©omĂ©trie, vos points, vos points, vos points !
On veut des vraies maths, des maths avec des nombres partout !
Bon, dâaccord, on va sâattaquer aux nombres. Ă tous les nombres, des entiers aux complexes.
Et aux structures numériques qui vont avec.
Ăvidemment, ça va prendre un peu de temps et quelques articles. Mais qui est pressĂ© ?
Les nombres, nous allons les débusquer ensemble, les amener petit à petit à la lumiÚre
alors que tout ce quâils souhaitent, eux, câest quâon les laisse tranquilles, chacun dans son point.
â Dans son quoi ? Vous voulez dire « dans son coin » ?
. . .
Oui, encore une histoire !
(Avez-vous remarqué que les logos des histoires sont sur fond « or »
et que ces histoires sont associĂ©es Ă l’article qu’elles illustrent
par l’ajout d’une lettre â a, b⊠â au numĂ©ro de l’article ?)
J’avais dĂ©jĂ crĂ©Ă© un lien vers cette histoire dans mon article sur « les harpes de ThalĂšs »,
Ă©videmment Ă propos de l’Ă©criture des nombres entiers⊠mais il m’a semblĂ© qu’elle
avait encore davantage sa place ici, avec le statut « les maths comme je les aime » !
Elle n’a naturellement d’intĂ©rĂȘt qu’en complĂ©ment de l’article 4 !
Pour la (toute petite) histoire Hi-Ati est la premiĂšre histoire que j’ai « vendue », en... 1980
(et non, elle ne m’a pas rendu millionnaire !)
. . .
Non, bien entendu, ça ne s'est PAS passé comme ça !
"Hi-Ati , ou la création des dizaines"
est la seconde histoire que j'ai composĂ©e sur le modĂšle des " Histoires comme ça " de KiplingâŠ
mais sans son talent !
Ce ne sont que des histoires
mais elles m’ont trĂšs longtemps permis d’introduire la numĂ©ration.
Soyez indulgent(e)s !
. . .
Vous vous rappelez le robot-arpenteur de l’Ă©pisode prĂ©cĂ©dent (/4 Et si les nombres n’Ă©taient que des noms ? ) ?
Le lointain cousin de l’allumeur de rĂ©verbĂšres du Petit Prince qui, comme lui, allume sans se poser de questions,
parce que c’est la consigne.
Sauf que lui, bien sĂ»r, il n’allume et n’Ă©teint pas constamment le mĂȘme rĂ©verbĂšre (jour, nuit⊠jour, nuitâŠ),
il passe son Ă©ternitĂ© Ă allumer des points diffĂ©rents d’une mĂȘme droite.
Des points que j’ai appelĂ©s « points-entiers ».
Ah non, ne commencez pas Ă chicaner, nous savons trĂšs bien, vous et moi, qu’on ne peut pas allumer un point.
Parce qu’un point, ce n’est qu’un endroit : l’arpenteur, « allume » un point en lui introduisant un objet ponctuel brillant.
(Je suis peut-ĂȘtre un peu grognon ces temps-ci, ça doit ĂȘtre l’Ăąge⊠alors excusez-moi si je m’Ă©nerve Ă tort :
peut-ĂȘtre n’avez-vous vraiment pas lu l’Ă©pisode 5. En ce cas, s’il vous plaĂźt, lisez-le : cet Ă©pisode en est la suite !)
. . .
Maintenant que j’ai dĂ©busquĂ© les « points rationnels » (et leurs alter ego, les nombres rationnels)
d’une graduation gĂ©omĂ©trique de d, j’ai deux progressions possibles :
ou bien creuser encore d Ă la recherche de points qui seraient encore Ă©teints
(non, ne riez pas, vous vous rappelez : nous allons faire comme si⊠!)
Ou bien au contraire prendre un peu d’altitude, dĂ©cider qu’un point de d est un point de d,
que je l’aie allumĂ© ou pas, et « inventer » des mĂ©canismes de comparaison puis d’opĂ©rations
entre ces points (et remettre Ă plus tard la recherche d’Ă©ventuels points Ă©teints de d).
Des mécanismes qui s'appliqueront à tous les points de d :
si plus tard de nouveaux points se⊠pointent, ils s’y plieront comme les autres.
[Pourquoi « inventer » entre guillemets ? Parce que j’ai toujours dans ma tĂȘte
cette idĂ©e que les points de d (et donc les nombres qu’ils traĂźnent avec eux)
ont une vie bien Ă eux, avec des codes et des lois qui ne dĂ©pendent que d’eux :
je ne fais que les observer en voyeur. Â
C’est mĂȘme la lĂ©gende de l’illustration de couverture de mon livre
« mathématiques du cycle 4, tome 1 : nombres et calculs) :
la vie des nombres, en toute indiscrétion.
(et si je ne précise pas que cette magnifique illustration
est l’Ćuvre de ma fille LaurĂ©line elle va m’en vouloir !)
J’ai dĂ©cidĂ© de privilĂ©gier la deuxiĂšme progression.
(Comme tout choix personnel, celui-ci se discute. Peut-ĂȘtre le ferai-je dans un Ă©pisode /6a ?)
Donc au menu d’aujourd’hui : comment comparer deux points de d
. . .
Vous pouvez mĂȘme multiplier les points entre eux⊠mais ça, ce sera pour le prochain Ă©pisode đ
Bon, aprÚs avoir défini les nombres comme de simples attributs des points,
puis une relation d’ordre entre nombres
comme la simple transcription numĂ©rique d’une relation d’ordre entre points...
n’est-il pas raisonnable de mettre en place une addition entre points
puis de lui associer un alter ego numĂ©rique : l’addition telle que vous la connaissez ?
Vous allez voir, ça va vraiment se faire tout seul !
. . .
Multiplier des points ???
Oui, mais pas nâimporte lesquels :
nous travaillons toujours sur les points de la droite d que jâai dĂ©finie dans les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents
(cette droite passe par deux points distincts A et B que jâai allumĂ©s dans un espace tout noir.
Jâai appelĂ© le point A « point origine dâune graduation gĂ©omĂ©trique de d », et le point B « point unitĂ© » de cette graduation).
Bon, cette multiplication entre points va peut-ĂȘtre vraisemblablement vous dĂ©router.âŠ
mais vous le verrez, elle est trÚs sérieuse.
LĂ je vous la prĂ©sente, et ensuite on en discute, dâaccord ?
â Oui, dâaccord (de toute façon on nâa pas le choix, câest vous qui Ă©crivez !),
mais câest pas trĂšs rassurant : dĂ©jĂ que votre addition entre points Ă©tait un peu⊠bizarre ?
Je sais, je sais. Mais rappelez-vous, vous aviez fini par reconnaĂźtre quâelle tenait la route. On commence ?
. . .
Bon, je⊠(air embarrassĂ©) je n’ai pas Ă©tĂ© trĂšs honnĂȘte :
dans les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents j’ai « inventĂ© » l’objet ponctuel puis grĂące Ă lui j’ai pu faire apparaĂźtre les premiers Ă©lĂ©ments de la gĂ©omĂ©trie :
le point, la ligne, la surface (et ensuite, en m’appuyant sur eux, les nombres â tout au moins jusqu’aux nombres rationnels) !
Mais cette gĂ©omĂ©trie, je l’ai arrĂȘtĂ©e, je l’ai cantonnĂ©e au plan, et ça ce n’est pas bien !Pourquoi ?
Parce que nous ne sommes pas des animaux tout plats, rampant parmi les points d’un plan ;
parce que nous sommes Ă©quipĂ©s d’origine d’un systĂšme optique stĂ©rĂ©o conçu pour fonctionner dans l’espace ;
parce que le contraindre Ă n’observer l’espace qu’Ă travers des projections planes (dessins, photos, vidĂ©osâŠ) ce n’est pas bien !
â Mais pourquoi ce ne serait pas bien ? Avec tous les logiciels 3D qu’on a maintenant ?
Euh, parce que ce ne sont PAS des logiciels 3D, justement, ce sont des logiciels de simulation 3D !
Ils trichent avec vos yeux⊠ou plutÎt ils trichent avec votre cerveau,
ils lui demandent d’interprĂ©ter les informations que vos yeux lui envoient comme du 3D.
De dĂ©former ces informations parce qu’Ă la base votre cerveau sait trĂšs bien que ce n’est pas du 3D :
en 3D vos deux yeux ne verraient pas la mĂȘme chose !
â D’accord, mais si ces logiciels nous aident Ă travailler sur des objets 3D, qu’est-ce que ça peut faire ?
. . .
« Ă lâorigine » parce quâavec les vecteurs, les surfaces gauches, les gĂ©omĂ©tries sphĂ©rique, elliptique, hyperboliqueâŠ
les choses se sont rapidement corsées.
Mais Ă©galement « Ă lâorigine » parce quâune fois inventĂ©s les concepts de point, droite et plan lâangle Ă©tait inĂ©vitable.
Remontons le temps : lâhumanitĂ© vient de dĂ©couvrir la gĂ©omĂ©trie, cet univers hyper simplifiĂ© qui se passe dans notre tĂȘte.
Un univers de points, de lignes, de surfaces et de « solides » qui ne le sont pas, un univers dâendroits.
â Attendez, pourquoi vous dĂźtes « hyper simplifiĂ© » ? Vous le trouvez simple, vous ?
Non, mais comparĂ© Ă notre univers physique câest un jouet de bambin(e)sâŠ
bon, jâen ai dĂ©jĂ parlĂ© dans lâĂ©pisode prĂ©cĂ©dent (Nous avons tou(te)s besoin dâespace !),
je ne voudrais pas vous donner lâimpression
de radoter !
Toutefois, mĂȘme hyper simplifiĂ© cet univers est illimitĂ© et lĂ , ça me pose un problĂšme
parce quâillustrer des concepts illimitĂ©s par des dessins qui ne le sont pas, câest un peu compliquĂ© !
Alors je vais imaginer que jâarrive Ă voir cet univers « du dehors » comme une sorte de boule dont je ne ferais pas partie
(et non, ne me demandez pas OĂ je serais, dâaccord ! Ni oĂč VOUS seriez !)
. . .
Tout est une question de lunettes : vous regardez un objet, avec certaines lunettes vous y voyez un nombre,
avec dâautres lunettes vous y voyez un point ... ou autre chose !
Si Ă lâĆil nu vous voyez un entier naturel,
avec les lunettes que je vous propose aujourd'hui vous verrez son « spectre ».
â Un entier naturel ? Comme 0, 1, 2, 3⊠? Mais on les a dĂ©jĂ vus Ă lâĂ©pisode /5 !
On a quand mĂȘme dĂ©passĂ© ce stade, non ?
Euh⊠oui et non : si vous voulez dire quâon a dĂ©passĂ© le stade de lâĂ©cole primaire, bien sĂ»r quâon lâa dĂ©passĂ©.
Mais ce que je voudrais partager avec vous aujourdâhui câest autre chose,
quelque chose que vous nâavez vraisemblablement pas dĂ©passĂ© â et moi non plus
parce que câest Ă mon avis la branche la plus Ă©trange et lâune des plus difficiles des maths : lâarithmĂ©tique.
â LâarithmĂ©tique ? Le calcul avec des nombres entiers ? Câest Ă©trange et difficile, ça ?
Vous venez vous-mĂȘme de dire quâon avait dĂ©passĂ© le stade de lâĂ©cole primaireâŠ
Bon, ce nâest pas vraiment tout Ă fait la mĂȘme arithmĂ©tique,
au dĂ©but de lâĂ©cole primaire on apprend Ă calculer avec vos 0, 1, 2, 3âŠ
mais câest Ă peine la surface de lâarithmĂ©tique, il faut bien commencer, non ?
DĂšs quâon creuse ça se complique.
Pas dans les questions quâon se pose, la plupart semblent incroyablement simples
â mais les rĂ©ponses, câest autre chose :
des mathématiciens remarquables ont passé des années à réfléchir à ces questions,
ils les ont retournĂ©es dans tous les sens et pourtant certaines nâont toujours pas de rĂ©ponse.
â Juste avec des 0, 1, 2, 3⊠?
Juste avec des entiers naturels, oui.
. . .
Ăa, c’est l’histoire que je vous avais promise Ă la fin de l’Ă©pisode /12.
Qu’arriverait-il si la rĂ©ponse Ă la question
« y a-t-il une logique dans la suite des entiers premiers
(ou : peut-on, en observant les premiers entiers premiers, dire qui sera le suivant ?) »
Ă©tait oui ?
Mais pas de panique n’est-ce pas, ce n’est qu’une histoire⊠enfin, je l’espĂšre !
. . .
â Vous appelez ça « raconter » les maths ? Le thĂ©orĂšme de Pythagore ?? Le carrĂ© de l’hypotĂ©nuse bla-bla-bla ???
Euh⊠« le carrĂ© de l’hypotĂ©nuse bla-bla » c’est « Ă©noncer » le thĂ©orĂšme de Pythagore,
PAS le raconter donc non, ce n’est pas du tout ce que j’ai en tĂȘte :
je voudrais creuser avec vous sous le théorÚme,
imaginer l’Ă©tincelle qui a pu conduire Euclide et PĂłlya Ă le dĂ©montrer.
Pourquoi eux ?
Euclide parce qu’il semble ĂȘtre le premier Ă avoir dĂ©montrĂ© ce thĂ©orĂšme
et Pólya parce que je trouve sa démonstration merveilleusement limpide.
Et parce qu’ils sont partis de la mĂȘme idĂ©e â mĂȘme si leurs chemins diffĂšrent ensuite rapidement â
et je me suis longtemps demandé comment elle leur était venue.
Et aussi parce que je voudrais vous entendre, Ă la fin de ces pages, vous exclamer « bon sang mais c’est bien sĂ»r ! »
(comme Charolles, l’adjoint du commissaire Bougret dans la rubrique-Ă -brac de Gotlib â ça ne me rajeunit pas !)
Parce qu’en rĂ©alitĂ© ce thĂ©orĂšme, c’est une Ă©vidence quand on tire sur le bon fil pour le dĂ©tricoter. 😊😊
. . .
En travaillant sur une graduation gĂ©omĂ©trique d’une droite d dont Ă l’origine tous les points Ă©taient « Ă©teints »,
l’Ă©pisode 5 en avait « allumĂ© » les points-entiers (Ă l’aide d’un robot-arpenteur)
et l’Ă©pisode 6 les autres points-rationnels (Ă l’aide des harpes de ThalĂšs).
J’avais conclu cet Ă©pisode 6 par :
Avons-nous achevĂ© d’allumer la droite d ?
Non, loin de là (et vous le savez, bien sûr) mais comme le dirait Kipling, ceci est une autre histoire :
les points et les nombres irrationnels apparaßtront en temps voulu⊠et ce temps est encore loin
(je ne voudrais pas ĂȘtre dĂ©sobligeant pour eux mais pour l’instant nous pouvons tout Ă fait nous en passer)
Le temps est enfin venu d’enrichir cet Ă©clairage de la droite, d’en allumer quelques points irrationnels.
Pourquoi maintenant ? Parce que l’Ă©pisode 12 (les spectres) et
l’Ă©pisode 13 (le thĂ©orĂšme « de Pythagore »)
m’ont apportĂ© les deux outils qui me manquaient encore pour m’y atteler.
. . .
Y a-t-il autant de points dans un segment de 8 cm que dans un segment de 5 cm ?
Le « bon sens » (ça se voit !) nous dit que non puisquâil faut prolonger le petit segment pour obtenir le grand.
Mais le « bon sens » se trompe et jâavais montrĂ© pourquoi dans lâĂ©pisode /1 « Le POINT de dĂ©part ! ».
Le problĂšme du « bon sens » câest quâil sâappuie sur des visions parfois trop Ă©troites,
mais accepter de les Ă©largir nâest pas toujours facile :
Galilée, « E pur si muove! (et pourtant elle tourne !) », ça vous rappelle quelque chose ?
Et si maintenant je vous affirmais quâil y a autant de points dans un segment microscopique que dans tout lâunivers,
quelle serait votre réaction ?
â Franchement ? Ăa serait de hocher la tĂȘte avec tristesse et de nous dire « ça y est, il a craquĂ© ! » đ
. . .